Après mon entrevue avec Louis‑Marie Jutras, le président et fondateur de la ferme Les Cultures de chez nous, j’ai eu la chance de piquer une jasette avec Valérie, sa fille ainée, qui est maintenant la directrice générale de l’entreprise. Dans cet article, je te raconte mon entrevue avec une femme extraordinaire et dévouée qui a grandi avec la ferme familiale.
Serge : Quel est ton souvenir le plus marquant de ta jeunesse sur la ferme maraîchère de tes parents?
Valérie : Mes parents ont acheté la ferme en 1980 et je suis né sur la ferme en 1981. Alors je suis dans l’entreprise depuis que je suis toute petite! Je ne suis pas née dans les champs, mais tout proche! J’ai 3 souvenirs qui me viennent en tête.
Serge : Comment c’était de grandir sur une ferme maraîchère?
Valérie : Pour moi, c’était simple et facile. J’aimais la proximité d’être dans la maison et aller rejoindre mes parents qui travaillaient à la ferme juste à côté. J’aimais aussi l’espace qu’on avait pour jouer et quand mes cousines venaient passer des semaines à la ferme pendant l’été. On faisait du « trois roues » ou du « quatre roues », on allait pêcher et elles venaient travailler avec nous dans les champs pour l’autocueillette de petits fruits.
Serge : Quand tu étais jeune, pensais‑tu un jour reprendre les rênes de l’entreprise familiale, ou tu voulais faire autre chose que de l’agriculture dans la vie?
Valérie : J’ai toujours pensé reprendre l’entreprise familiale un jour. Pour être honnête, je n’ai jamais eu d’autre emploi que chez Les Cultures de chez nous, quoique j’ai déjà donné des cours de step par les soirs!
Serge : Comment c’est de travailler avec ton père et tes frères?
Valérie : Oui, la famille c’est vraiment important! Mais pour nous, la famille, c’est plus que juste la famille proche (père, mère, frères, cousins), c’est la famille au sens large. On est proche de chacun de nos employés. Pour être honnête, travailler avec sa famille proche, ça amène son lot de défis. On peut avoir des points de vue différents, mais on évolue, on chemine individuellement et ensemble aussi. L’important c’est de communiquer, d’être à l’écoute des autres et de prendre des moments ensemble pour se parler. Il faut faire la part des choses entre l’entreprise et la famille.
Serge : La famille, c’est vraiment important chez Les Cultures de chez nous. Et ça va même au-delà de ta famille immédiate. Comment est l’ambiance à la ferme?
Valérie : Je suis privilégiée d’avoir une équipe en or et des collègues passionnés et dévoués qui ont l’entreprise à cœur. C’est une fierté et un privilège énorme d’être si bien entourée. On se fait même dire qu’ils souhaitent prendre leur retraite avec nous! C’est la somme des forces de chacun qui fait la réussite de l’entreprise et qui nourrit mon bonheur au quotidien.
On est aussi chanceux d’avoir des collaborateurs tellement attentionné et passionné que nous pour nous accompagner au quotidien. Ils font partie de notre belle grande famille!
Serge : À quoi ressemble une journée typique à la ferme pour toi dans ton rôle de directrice générale?
Valérie : On est quand même une petite entreprise alors pour une directrice générale, il y a plusieurs chapeaux! Le matin, je planifie la journée et il peut y avoir beaucoup d’imprévus en cours de route. J’ai des réunions, j’analyse des coûts de production, je parle avec les différentes équipes et c’est super important pour moi. Ce n’est pas un travail de 8 h à 17 h en arrière d’un bureau et c’est vraiment ce que j’aime. On ne sait jamais ce qui va se passer dans une journée!
Serge : Quels sont les plus grands défis auxquels la ferme a dû faire face dans les dernières années?
Valérie : C’est sûr qu’il y a eu la pandémie avec toutes les contraintes et les mesures qu’on a dû mettre en place. Ça a été des années assez exigeantes au niveau de la gestion quotidienne et de la logistique. Il y a aussi les enjeux de la main‑d’œuvre qui n’est pas facile à trouver. Bien sûr, on doit s’adapter à Dame Nature qui nous joue parfois des tours et qui est de plus en plus surprenante chaque saison!
Serge : Quelle est ta plus grande fierté ou ta plus grande réalisation à la ferme?
Valérie : Je dirais tout le cheminement accompli et toutes les démarches qu’on a faites sur le plan de la publicité, des réseaux sociaux, sur Internet et dans les salons pour faire connaître le poireau et le faire cuisiner par les gens. On a même eu un panneau publicitaire sur le pont Jacques‑Cartier et un article dans La Presse en parlait « Le poireau se paie le pont! ».
C’est une belle fierté de voir toute l’évolution qu’on a faite et d’avoir été avant‑gardistes de faire de la publicité comme ça en étant une ferme maraîchère. C’est vraiment un travail d’équipe et un mérite d’entreprise.
Aussi, même si l’entreprise a grossi, on a su garder notre côté humain et la proximité avec nos équipes et nos employés. On prend le temps de rencontrer tout le monde pour garder la grande famille unie.
Serge : Comment vois‑tu le futur de la ferme familiale?
Valérie : Pour nous, c’est vraiment d’augmenter la consommation de poireaux. On veut que les gens deviennent « complètement poireau » 😉. On veut offrir plus de poireaux du Québec plus longtemps dans les épiceries et on veut aussi augmenter la production de poireaux biologiques.
On veut également se diversifier en produisant encore plus de courges et augmenter notre production d’asperges. On veut bien sûr continuer de bien faire le transfert de la ferme de mes parents à mes frères et moi et peut‑être éventuellement un transfert vers la 3e génération! On a même des enfants de nos employés qui aimeraient venir prendre la relève et on est très ouverts à ça.
Serge : Comment la nouvelle génération s’implique‑t‑elle à la ferme?
Valérie : Nos enfants sont encore un peu jeunes, mais ils travaillent surtout pendant l’autocueillette de petits fruits et notre fameux Festi‑fraises; notre événement familial l’été pour faire plaisir aux familles avec des jeux gonflables, des camions de cuisine de rue et des activités pour les enfants.
Il y a aussi les enfants de mes frères qui viennent aider à la ferme en suivant leur père ou leur grand-père pour poser des questions! Mes enfants, eux, travaillent à notre kiosque de fruits et légumes pendant l’été et ils étudient en administration. Il y a plusieurs domaines et opportunités de travailler à la ferme. Alors, qui sait, mes enfants se joindront peut-être à la ferme familiale un jour!
Serge : Comment est venue l’idée de faire des sacs de poireaux tranchés?
Valérie : Ça a commencé en 1999. On devait jeter les poireaux trop petits ou croches parce que les chaînes d’épiceries n’en voulaient pas. Pour nous, ça ne faisait pas de sens de jeter tous ces poireaux‑là. On entendait aussi souvent dire que les gens n’achetaient pas les poireaux entiers parce qu’il y a toujours de la terre dedans et que c’est long à laver. Alors on a décidé de faire des poireaux tranchés qui sont déjà lavés et prêts à cuisiner! Ça nous a donc permis d’éviter le gaspillage et d’offrir un produit facile à cuisiner.
Serge : Quelle est ta recette préférée?
Valérie : Je suis née dans les poireaux, alors je mange tout le temps des poireaux! Ils font partie de mon quotidien 😊. Une de mes recettes coup de cœur que je cuisine année après année dans ma famille au jour de l’An c’est celle des roulés de blancs de poireaux dans du jambon, avec de la sauce béchamel et du fromage Gruyère. Poireau et fromage, c’est un duo parfait!
Voir la recetteSerge : D’où viennent principalement les travailleurs étrangers qui sont avec vous?
Valérie : Nos travailleurs viennent tous du Guatemala. Ce qui est l’fun, c’est qu’au printemps 2024, on a même fêté les 10 ans de 5 travailleurs étrangers! Donc ça fait 10 ans qu’ils viennent travailler chaque année avec nous. On est chanceux, parce qu’une majorité des travailleurs reviennent année après année alors on risque d’en fêter des 10 ans, des 15 ans et plus!
Serge : Pourquoi vos travailleurs étrangers viennent‑ils seulement du Guatemala?
Valérie : C’est une chance inouïe qu’ils ont de venir travailler au Québec et on s’attache vraiment à eux! Quand on a eu besoin d’engager plus de travailleurs étrangers, ceux qui travaillaient déjà avec nous nous donnaient des références pour faire venir leur famille aussi (père, frères, oncles, neveux, etc.). Comme la famille c’est important pour nous, on s’est dit que tant qu’à les faire venir travailler ici, aussi bien qu’ils soient avec quelqu’un qu’ils connaissent pour que ce soit plus agréable pour eux.
Nous, tout ce qu’on veut, c’est qu’ils soient bien. C’est déjà un énorme sacrifice qu’ils font en venant travailler ici et en étant séparés de leur famille. Si on peut les aider et leur rendre la vie moins difficile avec des membres de leur famille avec eux, c’est tant mieux.
Serge : Pourquoi le travail des travailleurs étrangers est‑il important chez Les Cultures de chez nous?
Valérie : Avec les enjeux de pénurie de main‑d’œuvre qu’on a eus il y a 10 ans, on manquait d’employés pour travailler et on ne pouvait pas tout faire tout seul. On a commencé par faire venir 6 travailleurs étrangers et on a continué d’en engager au fil des années. Si Les Cultures de chez nous existent encore aujourd’hui, c’est vraiment grâce aux travailleurs étrangers.
Serge : Que faites‑vous pour aider et soutenir les travailleurs étrangers quand ils sont chez vous?
Valérie : Quand ils arrivent, on a un membre de l’équipe qui va les chercher à l’aéroport, qui leur fait visiter l’entreprise et les maisons où ils vont rester. On les accompagne aussi pour leur expliquer les règles au Québec et découvrir nos épiceries, parce que ça ne fonctionne pas comme chez eux et ce ne sont pas du tout les mêmes produits! Comme c’est souvent des membres d’une même famille qui viennent travailler chez nous, ils s’entraident beaucoup aussi.
Pour nous, c’est vraiment important de leur donner de la liberté, alors on leur fournit une maison et une voiture pour leur donner le plus d’autonomie possible.
Pour que ce ne soit pas juste du travail, mais aussi du plaisir quand ils viennent ici, on fait plusieurs activités avec eux. On les a initiés au dek hockey récemment et ils ont vraiment aimé ça! L’été, on va aux glissades d’eau et l’hiver, on les équipe avec des vêtements chauds et on les amène glisser à Valcartier. On leur a aussi fait visiter le Vieux‑Québec.
On fait des dîners d’équipe et des dîners de Noël pour passer du temps avec eux et leur montrer nos repas traditionnels du temps des fêtes. On décore aussi leurs maisons pour les fêtes pour qu’ils se sentent intégrés au village.
Serge : En janvier 2024, tu as visité des travailleurs étrangers et leur famille dans leur pays d’origine avec quelques‑uns de tes collègues. Comment c’était de rencontrer les employés et leur famille, chez eux?
Valérie : On est partis 1 semaine pour aller rencontrer le plus de familles possible. C’était un voyage merveilleux qui remet les choses en perspective! Ça a créé encore plus de proximité et des liens plus serrés avec nos travailleurs. C’était un voyage touchant et émotif. On s’est rendu compte à quel point on faisait une différence dans leur vie. On a rencontré leurs enfants, leurs parents et leurs grands‑parents qui nous ont serrés dans leurs bras en pleurant parce qu’on les a vraiment aidés en donnant un emploi à leurs fils.
C’était touchant de voir à quel point ils étaient généreux. Ils ne sont pas nécessairement beaucoup en moyens, mais ils étaient tellement fiers et contents de nous recevoir. C’est un de mes plus beaux voyages à vie et j’invite tous ceux qui engagent des travailleurs étrangers à aller les voir dans leur pays. Je crois que ça vaut la peine de les rencontrer, d’aller voir comment ça se passe chez eux et de prendre le temps d’être avec eux. En tout cas, c’est sûr que c’est quelque chose qu’on va refaire!
Serge : Qu’est‑ce qui t’a marqué le plus lors de ton voyage?
Valérie : La générosité et la fierté des gens. C’était beau de voir leurs yeux illuminés parce qu’ils étaient contents de nous voir. La première journée, quand on est allé visiter un travailleur, les femmes de sa famille nous on remit une broderie faite à la main avec un beau message qui disait : « Mes remerciements à Cultures de chez nous de nous aider à bâtir un avenir meilleur ». C’est venu me chercher droit au cœur.
Serge : Qu’est‑ce qui t’inspire le plus des travailleurs étrangers?
Valérie : C’est un énorme sacrifice qu’ils font de venir travailler chez nous en partant loin de leur famille chaque année. Ils passent plus de temps ici à travailler qu’à être avec leur famille. En ne travaillant pas ici, ils ne pourraient pas acheter un terrain, bâtir une maison ou même envoyer leurs enfants à l’école. D’un côté, oui on les aide en leur donnant un travail, mais d’un autre côté ils nous aident aussi à faire progresser l’entreprise et assurer sa pérennité.
Valérie est une entrepreneuse dans l’âme. C’est une femme généreuse, gentille, extraordinaire et dévouée pour qui la famille est ultra importante. Et sa famille, ça ne comprend pas seulement ses proches, mais aussi ses employés qui sont comme des membres de la grande famille Les Cultures de chez nous. Tous ensemble, ils s’occupent vraiment bien de la ferme maraîchère familiale et je leur souhaite sincèrement du succès pour encore bien des années.
En lui parlant, on se rend compte à quel point elle est passionnée par les poireaux et on se sent tout de suite à l’aise avec elle. J’ai tellement passé un bon moment avec elle dans les champs pour mon entrevue que je me sens comme si je faisais partie de sa famille immédiate tellement c’est une personne attentionnée. Qui sait, j’aurai peut‑être la chance d’être invité à son party de Noël familial pour déguster sa fameuse recette de roulés de blanc de poireaux. Juste à en parler avec elle, j’avais l’eau à la bouche 🤤.
Pour en savoir plus sur Les Cultures de chez nous, je t’invite à parcourir le site Web de la ferme maraîchère familiale pour tout connaître sur cette fabuleuse entreprise de chez nous. Et pour découvrir Louis‑Marie, le père de Valérie, consulte mon entrevue avec le président et fondateur de la ferme Les Cultures de chez nous!
– Serge